Projet de loi de finances : Pierre Morel à l’Huissier intervient sur le budget de la justice.

A l’occasion des discussions sur le budget de la justice dans le cadre de la loi de finances pour 2019, le député de la Lozère Pierre Morel à l’Huissier a soulevé le problème du manque de places dans les prisons et de vétusté de ces établissements. Il a plaidé pour la création de centres pénitentiaires de réinsertion pour de courtes peines ou des fins de peine, structures plus légères, en précisant que la Lozère est candidate à l’implantation de ce type de structures. Il a plaidé également pour les tribunaux en milieu rural (Tribunal d’Instance ou de Grande Instance) où il a souhaité que l’ensemble des postes vacants soient pourvus, tant au niveau des magistrats que du parquet ou du greffe. Un message bien compris par la ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Nicole Belloubet.

 

 

Extrait du compte rendu intégral de la première séance du mercredi 31 octobre 2018

http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2018-2019/20190043.asp

 

  1. le président. La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.
  2. Pierre Morel-À-L’Huissier. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, une fois n’est pas coutume, ce projet de loi de finances consacre une augmentation notable des crédits accordés à la mission « Justice », en hausse de 4,5 % par rapport au précédent budget, soit 313 millions de plus. On ne peut que saluer cet effort, même s’il ne pourra pas tout régler.


À cet égard, je note l’objectif pluriannuel de création de 7 000 places de prison d’ici à la fin 2022, « afin d’atteindre l’objectif d’encellulement individuel et de réduire la surpopulation carcérale » – un chiffre cependant bien loin du ferme engagement de 15 000 places. Quoi qu’il en soit, le but semble non plus de limiter les dégâts mais de les empêcher, de gérer au mieux ce mal plutôt que de l’éviter.


La surpopulation dans les établissements pénitentiaires est pourtant un phénomène identifié et connu depuis longtemps, abondamment renseigné et commenté depuis. D’année en année, on nous présente des plans destinés à réduire le nombre de détenus ou à adapter les moyens effectifs à la réalité.


S’il ne fallait citer qu’un seul nombre, ce serait celui-ci : 70 714. C’est aujourd’hui le nombre de détenus en France, et c’est également un nouveau record, à comparer au moins de 60 000 places opérationnelles. La densité carcérale, de 118 % en moyenne en France, atteint plus de 200 % dans certains établissements ou quartiers.


Le constat que je fais ici est banal, tant il a déjà été présenté de nombreuses fois. Si les nombres et statistiques paraissent bien abstraits, ils sont pourtant une réalité tout ce qu’il y a de plus tangible. La surpopulation carcérale, ce sont des centaines de détenus qui dorment par terre, des agressions quotidiennes de surveillants, et des délinquants mêlés aux autres alors qu’ils devraient être isolés.


L’article 2 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 dispose que les prisons au sens large doivent contribuer « à l’insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire, à la prévention de la récidive et à la sécurité publique ». C’est loin d’être le cas aujourd’hui.

Ayons alors l’humilité de regarder ce qui fonctionne à l’étranger, en premier lieu les prisons dites ouvertes, qui reposent sur un contrat entre l’administration pénitentiaire et le détenu. Celui-ci est responsabilisé, notamment par le biais d’activités obligatoires, et son régime de détention est nettement assoupli, avec des dispositifs de sécurité limités.


J’ai moi-même eu l’occasion de visiter l’un de ces centres en Finlande, avec Jean-Marie Bockel. Plus récemment, avec la présidente de la commission des lois, j’ai pu me rendre au Danemark, dans l’un des huit sites qui accueillent pas moins du quart de la population carcérale danoise. Là-bas, en vertu de la loi sur l’exécution des peines, un condamné purge habituellement sa peine d’emprisonnement en prison ouverte. La Suède, la Belgique, l’Angleterre ou la Finlande ont également fait ce choix. Pas la France, où seul 0,9 % de la population carcérale est concernée. À Casabandia, l’un des deux centres de notre pays, le taux de suicide et d’évasion est pourtant proche de zéro.


Madame la ministre, vous vous étiez engagée ici-même, le 7 mars dernier, à développer une quinzaine d’établissements de ce type. Au-delà de ce que vous nous en avez dit en commission, je souhaiterais davantage de précisions sur ce point.


La commission des lois avait proposé des centres pénitentiaires de réinsertion. Je sais que vous plaidez pour des structures d’accompagnement vers la sortie – SAS – pour les courtes peines ou les fins de peine.


Je m’inquiète également de certaines dispositions du projet de loi de programmation 2018-2022, qui doit être discuté ici-même dans quelques jours.


Ce texte prévoit en effet des fusions des tribunaux d’instance et de grande instance. Bien que vous nous ayez assuré, madame la ministre, qu’aucun d’entre eux ne disparaîtrait, il me semble que nous avons souvent entendu ce type d’argument, avec à la clef de cruelles désillusions. Les fusions d’aujourd’hui ne préparent-elles pas les fermetures de demain ? Moins de tribunaux, c’est une justice qui s’éloigne des citoyens. Au nom de mes collègues, je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous apporter les assurances d’une justice au plus près de tous, donc sans fermeture de tribunaux.


Et cette justice proche de chacun repose sur des moyens humains adaptés. Or ces moyens font bien souvent défaut – j’ai déjà eu l’occasion de vous interroger sur le sujet en commission. Si les vacances d’emploi ont nettement chuté grâce à vous, elles restent néanmoins lourdes, et de nature à perturber la bonne administration de la justice, en particulier dans certaines zones rurales. Je pense bien évidemment à la Lozère, dont je suis élu, notamment aux tribunaux d’instance et de grande instance de Mende.

Madame la ministre, je souhaite donc vous demander ici quelles mesures précises seront prises pour combler les vides. Les magistrats doivent aborder toutes les situations, et ont eux-mêmes du mal à organiser les formations de jugement. Un effort devrait être fait pour ces petits tribunaux.

Cela étant, mon groupe émet un avis plutôt favorable à ce projet de budget.